Sviatoslav
RICHTER
( écrits et déclarations recueillis par Bruno Monsaingeon )
______________________________________________
SA VIE.
La musique, c' est une manière de vivre, de penser, de ressentir. Une présence de tous les instants, une joie profonde. (...) Moi, je me promène en toute liberté à travers la musique, je regarde ici et là, je butine, je vagabonde à travers les sonates, les impromptus. De Bach... à Bach.
SES ORIGINES.
Jitomir, la ville où j' ai vu le jour, est aujourd' hui située en Ukraine, mais à ma naissance, en 1915, l' Ukraine n' existait pas, c' était la Russie, la Petite Russie. Je suis né sous le signe de l' ambiguité dans un pays qui ne l' admettait guère. Il en fut toujours ainsi. Les Russes me disaient "Vous êtes Allemand" et les Allemands, eux "Vous êtes Russe!".
SA FORMATION.
( Mon père ) travaillait à l' opéra d' Odessa en tant qu' organiste. J' y avais accès. C' est cela qui m' intéressait, pas du tout le piano. L' opéra fit en somme l' essentiel de mon éducation.
Heinrich Neuhaus : le maître, le père, l' ami.
Pour commencer, il me fit travailler la Sonate en la majeur de Beethoven. (...) C' est justement sur cette sonate que Neuhaus m' apprit à obtenir un son chantant. Il me délia les mains, me redressa les épaules, m' apprit à jouer du piano, me débarrassa des sonorités sèches ( " il faut voler " disait - il )....
RÉPERTOIRE.
Longtemps (...) j' ai peu joué Mozart. Parce qu' il est le plus essentiel, le plus nu, parce qu' il faut beaucoup renoncer à comprendre pour le comprendre vraiment. Maintenant, je voudrais jouer tout Mozart, mais toutes ses oeuvres ne me viennent pas comme je souhaite qu' elles me viennent. Il faut attendre. Il y a un temps en vous pour chaque musique, forcer l' allure ne sert à rien.
LES CONCERTS.
Pourquoi je joue avec peu de lumière ? Nous vivons un temps de voyeurs et rien de plus funeste pour la musique. ( ...) Avec mes meilleurs voeux et l' espoir que l' obscurité favorisera le recueillement et pas l' assoupissement.
De toute façon, je ne joue pas pour le public. (...) Toute mon attitude pendant que je joue est en rapport avec l' oeuvre pas avec le public. Aragon, dans La Mise à Mort je crois, se demande à quoi je pense quand je joue. Mais tout simplement à ce que je joue, sans plus.
LA POLITIQUE.
Je n' ai jamais éprouvé d' intérêt pour la politique, ni eu le moindre rapport avec un domaine qui me répugne. (...) J' ai joué à l' enterrement de Staline, c' est vrai. Qui n' ai - je pas enterré ! Et combien de concerts commémoratifs... (...) J' ai fêté l' anniversaire de Lénine... Aux funérailles de Youdina, j' ai joué le Prélude en si mineur de Rachmaninov, qu' elle détestait. Ça n' a pas dû lui faire plaisir.
SES DISQUES.
Avec quelle joie ne détruirais - je pas mes enregistrements ? Presque tous... Je n' en sauverais pas plus de dix. (...) Vous voulez quelque chose ? la 6° Sonate de Scriabine ? Bon, gardez - là, seulement, il faut corriger les fausses notes. Qui va le faire ? Scriabine ?
Sviatoslav Richter,
pianiste soviétique (1915 - 1997 )
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire